Marathon d’Ottawa, 29 mai 2011, récit de la course, le récit de MA course.
Petit matin avec ma température idéale pour courir. Le ciel est très couvert, il fait frais et l’air est chargé d’une petite bruine rafraîchissante. Quand le signal du départ est donné, j’embrasse mon conjoint qui fait son premier marathon aussi et nous nous souhaitons bonne course. Je ne suis pas stressée, une fois sur le fil de départ il n’y a rien d’autre à faire qu’avancer en se disant que chaque kilomètre franchi en est un de moins qui nous sépare de l’arrivée. La première heure se déroule sans que je m’en aperçoive, mon énergie est au maximum et mon corps s’adapte bien au rythme que je lui impose. Toutefois, au kilomètre 14 je dois prendre une décision qui me brise le coeur. Je demande la permission à mon chum de le laisser derrière car je sens que mes jambes veulent un peu plus de vitesse. Il m’encourage à le devancer mais c’est avec le coeur gros et mes larmes mélangées à la pluie que je franchis le kilomètre qui suit.
Belle surprise quelques kilomètres plus loin, je rencontre une de mes coach avec qui j’ai couru mon premier demi marathon à San Francisco il y près de 2 ans. Quelle coïncidence de la rencontrer pendant mon premier complet, je ne peux donc pas passer à côté d’une petite minute de marche, de jasette et d’un câlin! La bruine se transforme en averse, et ce sera sous la pluie que se passeront les 27 kilomètres restants. Toute cette grisaille fait toutefois ressortir les couleurs des coureurs dont certains rivalisent d’originalité pour se démarquer dans la foule et ainsi permettre à leurs supporteurs de les encourager sur le bord de la route. Moi mes supporteurs, ils m’encourageaient le long de la route pendant mes entraînements, mais aujourd’hui ils sont à des kilomètres d’Ottawa et ils attendent un appel pour savoir comment aura été mon défi. Et mon plus fidèle supporteur, je l’ai laissé derrière au tiers de la course et même entourée d’autres personnes qui vivent la même chose que moi, je me sens seule au monde. Mon énergie est toujours excellente alors je couvre les kilomètres les uns après les autres jusqu’à ce que mon genou gauche coince et me laisse tomber au 34ième kilomètre. Quelle déception. Une vieille blessure revient me hanter et rendra ces derniers 8km très pénibles. Quelques minutes plus tard, je vois l’autre coach qui m’a accompagnée à San Francisco, et je prends le temps de la saluer elle aussi. Je sais déjà que mon temps ne sera pas à la hauteur de mes attentes, alors je vais au moins tirer un peu de bonheur d’une rencontre qui me fait plaisir!
C’est là que tout l’aspect mental entre en jeu. La déception que je ressens est lourde à traîner. Je vois ma vitesse ralentie par mon corps qui ne peut plus suivre ma volonté et je suis fâchée, même si je sais que ça ne me fera pas avancer plus vite. Je décide alors d’avancer d’une chanson à l’autre, en sélectionnant seulement celles qui me plaisent sur mon iPod, et je chante pour oublier mon genou fichu. Un peu avant la borne du kilomètre 39, j’entends siffler et crier mon nom. Je regarde sur l’autre rive du canal Rideau et mon chum m’envoie la main. Il est juste de l’autre côté mais tellement loin en même temps, je sens toute l’émotion de l’intensité de cet instant monter et menacer d’éclater si je n’arrive pas à la maîtriser. Il ne me reste que 3km et des poussières et j’aurai franchi par mes propres moyens la distance mythique d’un marathon. Je prendrai tout de même le temps de faire un gros câlin à mon amie Judith qui me crie, tout sourire, à la borne du dernier 400m! Je lui avais promis un gros câlin tout trempé de sueur à l’arrivée, il aura finalement été noyé dans la pluie à moins d’un demi kilomètre de l’arche finale! Et je file hurler ma délivrance sur ce convoité fil d’arrivée, pour ensuite attendre ma moitié, mon complice, mon chum, celui qui a accepté d’embarquer avec moi dans cette folle aventure.
Il est peut-être trop tôt pour faire une analyse à froid. Mes émotions sont vraiment mélangées. Déception. C’est le mot qui tourne dans ma tête. Je suis déçue que l’émotion qui prenne le dessus pour l’instant en soit une de déception. Je n’arrive pas à m’en débarrasser. Je le dis haut et fort: je suis déçue de mon temps. J’aurais aimé performer à la mesure de mes attentes, et je ne crois pas que j’avais des attentes irréalistes et trop élevées. 4h53… Tout ce que j’aurais espéré c’est 20 minutes de moins sur toute cette distance, mais le sort en aura décidé autrement. 42,2km et 4h53 plus tard je me donne le droit de m’auto critiquer. Que ceux qui croient que je n’ai pas gagné ce privilège se lèvent, courent et reviennent me voir dans 42,2km! Et pendant qu’ils courront, je prendrai le temps de réfléchir si cette expérience aura été l’unique, ou si je chausserai mes souliers de course dans un avenir pas trop lointain pour tenter à nouveau de satisfaire mes attentes personnelles…