Regarder passer la parade, parfois, ça fait du bien. Pour avoir une autre perspective, un point de vue différent. Ça permet de laisser les autres briller. Mais l’effort de regarder sans participer peut être parfois difficile.
Depuis 2013, dans tous les triathlons auxquels j’ai pris part, il y avait aussi dans la vague d’hommes du même âge mon conjoint et complice de toujours. Mon Superman. S’est installé entre nous au fil des années une routine rassurante. Un rituel. Nous partageons l’effervescence de la veille, la nuit trop courte précédant une compétition, nous installons et visitons nos aires de transition respectives, et l’un accompagne l’autre jusqu’au départ de natation du premier à partir. On se fait une dernière accolade et on se dit notre : «Amuse-toi, profites-en, on se revoit au fil d’arrivée.» Et le retour à la maison est toujours parsemé de discussions animées et d’échanges sur ce qui s’est passé, ce que nous avons vu, ressenti. On rit beaucoup, on pleure parfois, et on se félicite.
Pas cet été. Parce que les circonstances ont fait en sorte que Superman était prêt à accomplir un autre Ironman 70.3 pour son anniversaire, alors que mon corps voulait se contenter d’un triathlon olympique à l’automne.
Le printemps et l’été se sont déroulés comme à l’habitude avec nos entraînements respectifs, chacun de notre côté et quelques fois en duo. Dans nos conversations quotidiennes, il y avait encore nos habituels «Ta course a bien été ?» ou nos «Comment s’est passé ta ride de vélo ?» et nos «Tu m’accompagnes pour une nage cet après-midi ?». C’est au moment du départ pour la compétition que tout a pris une tournure différente.
La destination : Ironman 70.3 Steelhead, Benton Harbor, Michigan. Sur le porte-vélo : une seule machine. Dans les valises : un seul kit de casque et souliers, et un seul wet suit. Mes choses à moi resteraient bien sagement à la maison pour une semaine. J’avais un autre travail à faire, non moins important : chef de ma petite équipe de supporteurs. C’était aussi la première fois que nos garçons assistaient à un événement aussi gros et aussi long. Nous étions tous les trois bien fiers des affiches que nous avions réussi à cacher à travers les bagages, et encore plus fiers de l’effet qu’elles ont eu sur notre héro.
Et oui, sans mentir, c’est avec un pincement au cœur que j’ai laissé mon homme aux portes de l’air de transition avant que le soleil se lève. C’est avec le cœur qui battait à toute vitesse que je l’ai regardé disparaître à travers les autres casques rouges dans le lac immense. C’est avec beaucoup de fierté que je me suis éraillé les cordes vocales lorsque MON athlète sur les 2499 présents est sorti de l’eau, est passé à toute allure sur son vélo, et est apparu sur le parcours de course. Et c’est très émue que j’ai regardé mes enfants encourager les participants, leurs disant combien ils étaient bons, distribuant des sourires et des bravos. Une journée remplie d’efforts pour l’un, d’émotions, d’attente et de patience pour les autres. Et le retour ? Il a tout de même été parsemé de discussions animées et d’échanges sur ce qui s’est passé, ce que nous avons vu, et ressenti. Nous en sommes tous les quatre ressortis grandis. Un moment parfait.
Je suis fière de voir que mes fistons comprennent que supporter est aussi important que réaliser. Faire partie de la parade permet de s’accomplir. Encourager en la regardant passer permet de se remplir de bonheur et d’en redistribuer. Et on est rarement trop heureux… 🙂