Un samedi midi tout grisou parsemé de gouttelettes et d’une bonne brise. Je viens d’assister avec une copine à la réunion d’information pour notre triathlon olympique du lendemain. Dans la file des toilettes, une madame enfile un chapelet de plaintes en cherchant l’approbation des autres femmes qui attendent de relâcher leurs vessies.
«Paraît qu’il va mouiller toute la journée demain. C’est assez poche. En plus, le pavillon de la piscine est en rénovation. Il n’y a pas de douches pour après ! Me semble que c’est assez ordinaire. Avec tout le monde qu’il va y avoir. Je voulais aller au restaurant après, peux pas vraiment me présenter puante. Pis je viens en taxi en plus. En tous cas, depuis le temps que ça existe, on pourrait penser que ce serait mieux organisé. Blablabla, chialage, chialage, chialage…» Regard circulaire pour se chercher des alliées. Elle récolte deux ou trois sourires approbateurs, mais plusieurs fixent leurs beaux souliers de course avec un malaise visible.
Tout à coup, avant que mon cerveau la contrôle, ma bouche s’ouvre.
« On peut rien y changer, alors faut faire du mieux qu’on peut avec ce qu’on a ! Tout le monde a payé pour être là, personne n’a été forcé. Il y beaucoup de gens qui aimeraient être à notre place. Il y en a même qui prient pour avoir de la pluie. De toute façon, tout ce qui se mouille finit par sécher, pis des vêtements de rechange secs dans un sac de plastique, ça dépanne. Il y a toujours aussi les petites lingettes pour se rafraîchir rapido.» Lui dis-je en allant même jusqu’à mimer un débarbouillage des aisselles et de la petite partie sensible après 40km de vélo… Bruits de fous rires dans la file, regard incrédule de la madame dont je n’étais visiblement pas l’amie. Et copine à côté de moi, tout sourire, qui me dit qu’elle n’a pas si envie finalement et que nous trouverons sûrement une toilette moins achalandée sur le chemin du retour.
Je refuse toujours de me laisser entraîner dans le chialage collectif parce que rien ne peut venir gâcher le plaisir que j’éprouve à savourer la récompense de mes efforts. JE me suis entraînée, J’AI fait les sacrifices qu’il fallait, JE me suis investie chaque jour pour atteindre un objectif et je vais laisser une opinion sur le temps jeter une ombre sur mon party ? Pas question. Ma devise préférée pour ce genre de situation : « Advienne que pourra, pis s’il neige on pelletera ! » J’ai fait le marathon d’Ottawa à la pluie battante, tellement que ma camisole trempée était rendue aussi longue qu’une robe. J’ai fait un demi marathon en Floride alors qu’un front froid arrivé la nuit a fait chuter la température de 24 à 1 degré au départ, nous forçant à courir la ville pour trouver des tuques et des gants ! Le demi marathon hypothermique de Montréal à -35° alors que la température à la mi-février devait se situer autour de -15°. Le Ironman 70.3 de Miami à la fin d’octobre alors qu’une canicule imprévue a fait grimper le thermomètre de 25 à 40 degrés. Et j’en passe.
Quand je m’inscris à une course plusieurs mois à l’avance, je m’attends à ce que ce soit Mère Nature qui gère sa température. Pas les organisateurs. Pas les autres participants. Pas moi. Je prends tout ce qui vient avec le matériel fourni. Et je vis avec. Je ne crois pas avoir déjà participé à un événement où la température était celle que le québécois décrit comme idéale, soit «tiède avec un soleil voilé et une brise légère pour rafraîchir et un taux d’humidité juste assez sec pour être hydraté et confortable à la fois». La température est idéale quand on décide qu’elle l’est. Pour ma part, j’ai décidé que c’est toujours parfait. Quand je regarde les photos prises durant mes nombreux défis au cours des dernières années, le grand sourire que j’ai toujours dans la face reflète assez bien mon état d’esprit dans toutes les conditions. Le dimanche matin pour le triathlon ? Il a mouillé du début à la fin. Des grosses gouttes. Et c’était extraordinaire. Copine et moi, on a souri du début à la fin, on a retrouvé nos vêtements secs dans l’auto, et nous avons pris le chemin du retour, ratatinées mais heureuses.
J’espère transmettre cette façon de voir la vie à mes fistons. Je crois que c’est bien parti. Durant l’été, par une belle journée pluvieuse, je les vois passer en maillot de bain un frisbee à la main. «Tu cours même quand il pleut, hein maman ? Et bien nous, on a vraiment le goût de jouer au frisbee. Maintenant.»
Et pourquoi pas. Après tout, tout ce qui se mouille finit par sécher !

Wow! Bravo pour ce bel article! En espérant qu’il atteindra son but…