C’est lorsque mon conjoint m’a demandé «Comment a été ta journée?» que je me suis rendu compte que je retenais encore mon souffle. J’ai poussé un long soupir, répondu «Elle a été extraordinaire», et je me suis mise à pleurer au grand étonnement de mon homme.
Vous avez déjà vu une petite plume portée par le vent? Elle s’envole, s’élève, redescend. Elle se pose pendant un instant avant d’être à nouveau balayée, sans savoir où et quand elle se posera enfin. C’est ce que mon coeur et mes émotions ont vécu toute la journée. Un tourbillon rempli de moments plus inspirants les uns que les autres.
J’ai vécu mon dixième cross country dans l’école où je travaille, mon activité préférée parmi toutes celles organisées dans cet extraordinaire milieu de vie qui a vu grandir mes garçons. Chaque année, j’éprouve une fierté sans borne pour ces enfants qui se dépassent, ainsi que pour les enseignants et parents bénévoles qui les encouragent et célèbrent avec eux. Mais jamais une année n’aura été chargée d’autant d’émotions. Jamais une année n’aura mis en valeur tout ce qu’il y a de plus beau chez l’être humain. Dans cette école unique, au cours de cet événement fantanstique, ce sont les enfants qui auront été les enseignants. Des enseignants de leçons qu’on ne peut apprendre qu’avec le coeur.
J’ai vu Marc-Olivier et Thomas. Deux finissants vivant leur dernière course à l’école. Deux fiers compétiteurs depuis la maternelle. Deux petits hommes qui d’un commun accord ont franchi le fil d’arrivée côte à côte, partageant fièrement la victoire. Devant leurs sourires complices, retenant mon souffle, mon coeur s’est envolé de fierté.
J’ai vu Jérôme. Un petit guerrier déjouant les prognostiques 14 mois après un terrible accident. Un petit homme qui ne devait peut-être plus pouvoir marcher mais qui a parcouru la même distance que ses comparses, la tête haute et le torse bombé. Devant l’ampleur de l’accomplissement, retenant mon souffle mais échappant une grosse larme, mon coeur s’est élevé de gratitude.
J’ai vu Nora-Lee. Une championne. Une enfant du bout du monde relevant chaque semaine tous les défis placés devant elle avec humour et persévérance. Un petit bout de femme pour qui traverser sa classe est une aventure mais qui a couru le même difficile parcours que ses copains, sur ses petites jambes fleuries. Devant les efforts nécessaires à sa réussite, retenant mon souffle, mon coeur s’est envolé de bonheur.
J’ai vu Mathieu. Un battant à quelques mois de terminer le long traitement qui fera de lui un vainqueur sur la leucémie. Un petit homme qui, au plus bas de son énergie il y a un an, avait insisté pour marcher une portion du trajet mais qui cette année a tout donné pour franchir le fil entouré de ses amis. Devant la détermination et le sentiment du devoir accompli dans son regard, retenant mon souffle les yeux dans l’eau, mon coeur s’est élevé d’une joie immense.
J’ai vu plus de 200 élèves ayant donné le meilleur d’eux même, joues rosies d’effort, tout sourire ou en larmes. Une marée de petites personnes transportant tous et toutes un défi, apprenant le dépassement de soi, à qui j’ai eu la chance de distribuer des câlins et des «high five». J’ai vu des parents suivant fièrement leur enfant, et j’en ai même vu accompagner des enfants qui n’étaient pas les leurs. Devant cet élan de générosité, retenant mon souffle, mon coeur s’est envolé d’amour.
Ce n’est qu’une fois revenue à la maison que j’ai recommencé à respirer, que mon coeur s’est posé à nouveau. Une fois toutes les larmes coulées, il est resté une grande paix. Et l’espoir. L’espoir que chaque élève puisse mesurer un jour l’ampleur des apprentissages qu’une activité comme cette course leur apporte. L’accomplissement. La valeur de l’effort. La compassion. L’empathie. Savoir encourager. Faire de son mieux.
L’espoir que les leçons reçues de ces petits enseignants de la vie continuent d’élever tous ceux qui les côtoient. Aussi haut et aussi loin que des petites plumes portées par le vent.