Je dois être bien près du record Guinness du plus grand nombre de nuits d’insomnie causées par ma mauvaise gestion des critiques ou des paroles blessantes à mon endroit. J’en ai passé des heures, la larme à l’oeil et le coeur en morceaux, d’avoir écouté et pris pour acquis des jugements gratuits. Parce que la vie est bien faite, j’ai fini par atteindre la barre du trop plein avant de me causer trop de tort. J’ai crié à l’aide et une personne très spéciale est arrivée dans ma vie, une personne avec les oreilles sur le coeur. Une discussion inspirante au bon moment, des mots que j’étais prête à entendre, il n’aura fallu que ça pour faire jaillir dans mon cerveau une illumination qui allait changer ma vie!
Il faut d’abord expliquer que j’étais bien mal faite sur un aspect de mes relations interpersonnelles. Quand quelqu’un m’adressait des propos blessants, je les prenais immédiatement pour une vérité absolue. Je me remettais en question, j’essayais de trouver une façon de plaire, et je faisais des cauchemars sur le sujet à m’en rendre physiquement malade. Si en contrepartie quelqu’un me complimentait, ou posait un geste gentil à mon égard, j’essayais de lui retourner en banalisant mon action. J’avais l’impression de ne jamais mériter une éloge ou une récompense. Non, non, non, pas moi voyons! Quelqu’un se reconnait? Il était grand temps que je me facilite l’existence.
Voici ma théorie du raisin sec et de la citrouille.
Fonctionnement de ma théorie. Chaque journée qui commence est comparable à une balance à plateaux, le bon vieux symbole de l’équilibre et de la justice. Un côté pour les événements bonheur, un côté pour ceux qui sont, disons, non nécessaire. J’accorde une mesure pour chaque parole, action ou geste posé à mon égard, qu’il soit important ou banal. Dans le cas qui nous intéresse, je mesure en raisins secs et en citrouilles. Je n’accorde pas plus d’importance qu’un raisin sec à chaque critique gratuite, chaque parole blessante, ou chaque comportement qui m’irrite. En revanche, j’attribute une citrouille au moindre geste gentil, à chaque sourire sincère, et à tout commentaire positif.Un plateau pour les raisins, un plateau pour les citrouilles.
On critique mon choix de vêtement? Un raisin. On crie après moi au lieu de m’expliquer calmement? Un raisin. On me dit que je ne cours pas assez vite pour être « une fille qui court »? Un raisin. On m’ouvre la porte d’un édifice? Une citrouille! Vous me voyez aller? Il faut un nombre impressionnant de raisins secs pour arriver à contre-balancer une citrouille! J’ai en plus instauré une règle très importante : je m’oblige à repartir chaque matin avec des plateaux vides en équilibre parfait. Arrive minuit, on efface et c’est reparti! Au début, j’ai eu besoin de pratique. Nous retombons vite et facilement dans nos vieilles pantouffles, aussi inconfortables soient-elles! Mais croyez-moi, j’ai toujours tellement hâte de déposer ma première citrouille sur ma balance que j’en suis même venue à trouver qu’un raisin sec est encore trop gros pour certaines situations emmerdantes.
C’est dans une citrouille que Cendrillon s’est rendue au bal qui allait changer sa vie! C’est à coup de citrouilles que je continue chaque jour à changer la mienne. Soit dit en passant, je n’ai rien de personnel contre les petits fruits ratatinés. Si jamais certaines journées vous balançait trop de raisins, vous pourrez toujours en faire du pain!