Entre deux cocottes

Fin d’après-midi, il pleut, et je pars courir. Honnêtement, je n’ai pas le goût. Je suis fatiguée, j’ai une montagne de boulot, à peu près six brassées de lavage à faire, je n’ai pas le temps mais je le prends. Parce que je sais que dans 500 mètres, la grisaille dans mon cerveau aura disparue et celle de l’extérieur ne me dérangera plus.

On pourrait dire que c’est laid dehors. Il reste des étendues de neige sale, la rue est sale, les trottoirs sont sales, un après-midi de printemps typique. Mais ça sent bon, ça sent la pluie et la terre qui commence à respirer, ça sent la promesse du beau temps à venir. Je tourne le coin d’un terrain vacant parsemé de grands conifères et une chose capte mon attention. À quelques pieds de moi il y a un éclat de violet. Une seule tache de couleur dans cet étendu de brun. Je m’approche. Entre deux cocottes, brunes et séchées, datant de l’automne passé, sur un lit de bouette et d’aiguilles mouillées, se trouve un petit crocus.

Je repars en souriant et je me dis que c’est ça la vie. Cette petite fleur-là n’a pas attendue que tout soit parfait autour d’elle pour pousser. Elle est sortie vibrante et colorée dans la boue et le sale qui l’entourait. Je me suis questionnée. Est-ce que je me permets d’être un crocus quelques fois ou bien je me laisse étouffer par les autres qui voient seulement la bouette qui les entoure ? Est-ce que j’ose sourire quand les autres bougonnent ? Est-ce que j’ai le courage de penser violet dans une foule de gens qui pensent brun ?

crocusCette petite fleur était la plus belle image de ce que veut dire oser être soi-même. Sortir du cadre. Vivre sa vie comme on en a envie, pour se plaire avant tout, au risque d’être différent. Au risque d’être unique. Pis oui des fois le bonheur dérange. Pis ça énerve quand on pense pas comme la majorité. Mais c’est comme ça qu’on grandit, qu’on vit les plus belles aventures, les histoires les plus intenses. J’espère pouvoir inculquer ça à mes enfants. Parce qu’inévitablement, il va y avoir de la bouette et des vielles cocottes dans des bouts de leur vie. J’ai le goût de leur dire : «Laissez faire le sale. Entre deux cocottes, il y a un monde d’opportunités! Soyez des crocus ! Osez !»

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5 réflexions sur “Entre deux cocottes

  1. Marie-Claude

    Mon dieu que ça me fait revivre ma 1ere course! J’ai les bras qui frissonnent à chaque fois que je parle, que je lis ou que j’explique les conditions de ma course! Ce fut une super belle journée extraordinaire! Je suis tellement fière de dire haut et fort que, MOI AUSSI, JE SUIS UNE FILLE QUI COURT!!! A l’an prochain!! Assurément!!! xxxxxx

  2. Marc Breton

    J’adore cette attitude de vie que vous véhiculez à travers ce crocus ! C’est imagé, mais il n’y a rien de plus vrai ! Et quel bel héritage à transmettre à ses enfants 🙂

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