Imagine, Van Gogh…
C’était peut-être leur premier rendez-vous.
Un endroit pas trop engageant; un territoire neutre.
Elle lui avait peut-être suggéré l’exposition immersive comme point de rencontre se disant que dans le pire des cas, s’il n’y avait rien entre eux, la présentation de trente minutes serait le début et la fin d’une courte histoire.
Peut-être qu’à leur arrivée ils ont d’abord pris le temps de regarder les immenses toiles, un peu mal à l’aise mais totalement conscients l’un de l’autre. Au milieu des visiteurs, anonymes, un espace chaste entre eux, juste assez près toutefois pour que tous sachent qu’ils étaient venus ensemble. Puis, doucement, au son de la musique classique judicieusement mariée aux tableaux, ils se sont peut-être mis à se balancer d’une jambe à l’autre. Les pieds dans la mer sur le parterre. Lentement d’abord. Chacun à son rythme. Puis de façon plus prononcée. Peut-être que leurs épaules se sont effleurées alors que les iris envahissaient l’espace. Que leurs regards se sont trouvés. Et que leurs sourires violets se sont étirés, jusqu’à leurs cœurs.
Peut-être que c’est à ce moment qu’ils ont su. Que la magie s’est installée. Quand il a remarqué la courbe de son cou sur lequel jouait la lumière jaune d’un tournesol. Quand l’ocre d’un champ de blé labouré a illuminé le noir de ses cheveux sagement coiffés. Peut-être que la musique et les couleurs les ont simplement transportés dans une dimension n’appartenant qu’à eux. Que les jaunes éclatants sont devenus des verts apaisants, pendant que leurs corps se trouvaient comme des aimants. Comme des amants. Et que, joue contre joue dans la nuit étoilée, ils ont su que trente minutes ne seraient jamais assez. Qu’aucun bleu ne vibrerait autant que celui de leurs yeux.
Je ne saurai jamais, Van Gogh, puisqu’ils dansaient déjà à mon arrivé. Mais imagine…