Ce matin, je me prépare à aller courir. Avant de partir, je reçois un message qui fait que je choisis d’accepter un téléphone ; je me mets donc en retard de trente minutes sur mon programme de la journée. Je pars en refaisant le calcul de tout ce que j’ai à faire sur ma liste aujourd’hui. Il fait soleil, la musique est bonne dans mon oreille, j’ai le pas relativement léger.
Une fille court de l’autre côté de la rue, on se sourie en se croisant, et j’entends derrière moi : «Nat ?» Bandeau, lunettes, je ne l’ai pas reconnue. C’est mon amie Ani. Elle vient me rejoindre, ça fait un bout qu’on s’est vues, on se croise pratiquement jamais en courant. On parle de tout, de rien, de course, de vie et de bonheur. Et de mon ami Luc, un super héros qui revient du marathon de Boston.
Ani a trois garçons qui fréquentent l’école où je travaille, et deux d’entre eux ont la chance d’avoir Luc comme enseignant. Comme tous les élèves et plusieurs parents, ils ont suivi les aventures de notre coureur préféré et savaient la température épouvantable qu’il avait dû bravée l’an passé à Boston.
Lundi matin, comme des milliers de personnes, ils ont regardé la météo sur le cellulaire de leur mère pendant le trajet qui les amenait à l’école. Ils étaient bien inquiets et discutaient des gros nuages de pluie et des éclairs que l’application météo annonçait.
« Ah non ! Il voulait qu’il fasse beau Maman ! L’année passée il a trouvé ça trop difficile de courir dans la grosse pluie ! »
« Maman ? Est-ce que tu penses que s’il y a un gros orage, il peut mourir s’il court dans les éclairs ? »
Et c’est là qu’est entré en scène le grand frère pour calmer les inquiétudes. En déposant une main rassurante sur le bras d’un petit, il lui a doucement dit, convaincu :
« Non, voyons. Il ne peut pas mourir, c’est lui le personnage principal de l’histoire. »
Qu’est-ce qu’on peut ajouter à ça ? Le fait d’être trente minutes en retard m’a permis d’entendre cette histoire ce matin. Une toute petite demie heure qui m’a en réalité déposée au bon endroit au bon moment pour recevoir ces magnifiques mots d’enfants, dans une conversation entre deux mamans les yeux dans l’eau. Alors voilà. Si j’avais le pas léger au départ, je n’ai pas touché à terre au retour.