La Princesse au gâteau

La scène :
8h30, mardi matin pluvieux.
Café Morgan, centre-ville de Trois-Rivières.
L’heure de pointe des passants du matin est terminée.
Mon roman, mon Américano allongé et moi avons le café juste pour nous.

Entrent un papa et sa petite fille. Je fais dos au comptoir. Ils ont la voix heureuse.
Et dans ce café désert, la fillette choisie de s’installer à la table juste à côté de la mienne.
Vraiment?
Je me concentre sur ma lecture. Un instant, je lève les yeux à la dérobée.
Elle m’observait. Elle me sourit.
Une cascade de bouclettes brunes, des yeux au chocolat et un t-shirt corail.
Elle attend calmement. Je lui souris aussi, elle est irrésistible.

Papa se pointe à la table avec son café.
– Voilà ton gâteau ma Princesse.
Il dépose devant elle une énorme part de « red velvet » à trois étages.
Vraiment?
À 8h30 le matin? « Rush » de sucre imminent…

Un accent français craquant.
– Merci Papa, il est beau!
Une petite main pique la fourchette dans le gâteau.
Elle offre la première bouchée à son père.
Il lui fait signe, toi d’abord.
La petite Princesse ferme les yeux, mâche doucement.
Elle met une main sur sa poitrine.
– Oh mon Dieu, il est tellement bon!

Dans ce café tranquille sur trame sonore de musique d’ascenseur, le temps s’arrête pour elle. Pleine conscience.
Papa se lève pour aller chercher un verre de lait.
Il fait tomber une chaise. Un bruit immense dans un café vide. Il la relève.
Il prend un air penaud.
– Oh là là, Papa fait des bêtises.
La petite sourit, indulgente.
– Ça va Papa, c’est pas grave.

Chaque bouchée est savourée, lentement. Ils ont tout le temps.
Dans la grisaille, ils sont lumineux. Complices. Heureux.
Je rassemble mes effets, me lève.
La petite me sourit à nouveau. Papa aussi.
– Vous êtes beaux. Vous ressemblez au bonheur. Merci d’avoir mis de la couleur dans mon mardi matin.
Papa et sa Princesse échangent un regard complice. Ils sourient.
– Ah ça c’est gentil, merci.

Ils ont choisi la table à côté de la mienne.
À 8h30 un mardi matin.
Ils ont mangé du gâteau.
Délicieux bonheur.
En arrêtant le temps.
Vraiment?
Absolument.

Et c’était parfait.

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